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L'Europe et ses richesses

L'Europe et ses richesses

18=43 : l'histoire parle

18=43 : l'histoire parle

L'Europe et ses richesses

L'Europe et ses richesses

H. : 61 cm

L. : 86 cm

Domaine : Affiches

Domaine Public © CC0 Collections La Contemporaine, Nanterre

Lien vers l'image

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  • L'Europe et ses richesses

L’Europe nazie

Date de publication : Mars 2023

Auteur : Alexandre SUMPF

Pax germanica

À la fin de la campagne de l’été 1942, le Troisième Reich couvre une ample partie du territoire européen, de l’Atlantique au Caucase et de la mer Blanche à la Libye. À la suite des empereurs Alexandre, Auguste, Charlemagne ou Napoléon, Adolf Hitler et son armée maintiennent sous tutelle une quinzaine de peuples, sont alliés à six États et profitent de la pseudo-neutralité de la Suisse, de la Suède, de l’Espagne, de la Turquie… ou du régime de Vichy avant le 11 novembre 1942. Comme l’affirme l’affiche L’Europe et ses richesses, tout le continent contribue (plus ou moins volontairement) à l’effort de guerre nazi contre la Grande-Bretagne et l’Union soviétique. Un an, deux défaites majeures et deux débarquements plus tard, l’Allemagne n’est pas encore vaincue, mais sa propagande en langue française apparaît sur la défensive. La série d’affiches 18 = 43 ? pose le principe de la guerre de civilisation en alertant les populations européennes du double danger les menaçant : l’impérialisme économique anglo-saxon et la contamination communiste venue de l’Est.

Une autre carte de l’Europe

L’Europe et ses richesses offre un tableau didactique très dense de l’effort productif piloté par l’Allemagne avant novembre 1942 (la France non occupée apparaît encore sur la carte). Treize clichés en noirs et blancs illustrent le propos synthétisé par une carte sur laquelle figurent, en dégradé de rouge, le territoire du Reich hitlérien, celui de ses protectorats et alliés, les neutres (en rose, donc visuellement dans le camp nazi) et les ennemis en gris : Royaume-Uni et Islande. Grâce à ses matières premières bien inventoriées et exploitées, « l’Europe est aujourd’hui invincible » ; elle peut assurer le ravitaillement de l’armée et de la population et, possédant « les meilleurs ouvriers du monde », son industrie unifiée n’a rien à craindre. Les photographies témoignent d’un gigantisme qui affirme l’infinité des ressources agricoles, minières et industrielles ; la jeune femme élégante posant avec un pneu en caoutchouc synthétique relève l’appui de la science pour parer aux inconvénients du blocus continental.

18 = 43 ? L’histoire parle est un document assez curieux, moins évident à lire que le précédent. Sa composition horizontale oppose une carte sur fond gris représentant la situation européenne avant l’armistice du 11 novembre 1918, à gauche, et une carte figurant celle de 1943 à droite. Le titre est placé en haut à gauche, en large lettrage sur un fond de briques, cherchant sans doute un effet de graffiti. La carte de 1918 fait le constat d’une opposition radicale entre une petite Allemagne et ses alliés, occupant un gros tiers du continent, un monde occidental en bleu et une Russie communiste en bleu pointillée de blanc. Cette nuance complique sans nécessité la lecture de ce premier schéma. Un même souci de précision vient miner la démonstration proposée par la carte de 1943. Si Royaume-Uni et URSS sont toujours désignés comme ennemis, le sud de l’Italie, la Sicile, la Sardaigne et la Corse se parent de bleu clair : ils sont occupés après les débarquements alliés. Cette carte se situe en position surélevée par rapport à celle de 1918 afin de suggérer un progrès. Elle se découpe sur une photographie prise en plongée d’un rassemblement populaire de masse, censé figurer la population européenne dont l’Allemagne prétend défendre la « civilisation ».

L’histoire à rebours

L’Europe et ses richesses développe un discours de puissance qui se fonde d’une part sur l’excellence industrielle allemande, de l’autre sur la soumission de l’appareil productif européen aux objectifs fixés par le régime nazi. « L’Allemagne combat aujourd’hui pour l’Europe », prétend l’un des slogans – qu’il faut lire à la fois au premier degré et à rebours : l’Europe travaille pour la guerre allemande. En 1942, alors que le vent de l’Histoire gonfle les voiles du projet impérial de Hitler, certains se laissent séduire par ce discours, d’autres y voient des opportunités inédites ; tous constatent assez vite que la stricte hiérarchie des races propre au nazisme les astreint à un rôle subalterne et que les conditions de travail ou de commerce sont marquées par l’asymétrie : l’empire hitlérien est un empire colonial. L’information circulant par la correspondance et les récits, malgré la censure, ce type d’affiche finit par produire l’effet contraire en mobilisant la population contre l’effort de guerre allemand. L’autre ligne forte de la propagande nazie, incarnée par la série des affiches 18 = 43 ?, consiste à définir l’identité européenne en revisitant l’histoire de l’entre-deux-guerres au prisme des succès allemands. Le sous-titre, « l’histoire parle », sonne curieusement en français et trahit peut-être une traduction fautive depuis l’original allemand. Il est peu probable que cette campagne malhabile et trop germano-centrée ait reçu un écho auprès des Français.

Chris Millington, La France en guerre. Une histoire globale, 1940-1945, Flammarion, Paris, 2022.

Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France, 1940-1944. L’utopie Pétain, PUF, Paris, 2014.

Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Français dans la guerre. Archives du quotidien 1940-1945, Flammarion, Paris, 2022.

Alexandre SUMPF, « L’Europe nazie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 17/05/2024. URL : histoire-image.org/etudes/europe-nazie

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